À côté des commentaires de l'Écriture, qui ont une place centrale dans la littérature patristique, les Vies sont l'un des genres littéraires les plus représentés. Il est vrai que le témoignage d'une vie est parlant, que c'est au coeur même de la vie de chacun que l'expérience de Dieu intervient et que la conformation au Christ se réalise. On comprend donc que les Pères aient donné une grande importance à cette littérature d'édification, d'autant qu'elle existait déjà, sous une autre forme, à leur époque, pour retracer la vie des grands hommes. En la reprenant, ils montraient qu'il n'y avait pas seulement des hommes illustres dans le monde antique, mais que, parmi les chrétiens, des hommes et des femmes se sont également distingués par le caractère exceptionnel de leur vie, qu'ils ont suivi le Christ jusqu'au bout et que, comme eux, il était possible de le suivre.
Dans le même temps, ils développaient une mémoire et même une histoire des premiers chrétiens.
Pour frapper l'imagination de leurs contemporains, ils ont souvent ajouté du merveilleux, comme on le voit dans le dialogue fictif entre Jésus et le roi Abgar, qu'évoque Marlène Kanaan, ou encore dans les textes apocryphes : La Vie de Thècle et les Actes de Pierre et de Simon auxquels s'attachent respectivement Jean-??Pierre Weiss et Jeannine Siat.
Mais les Pères ont également opté pour d'autres formes : tel Augustin d'Hippone qui part d'une triple confession pour écrire, en quelque sorte, la biographie des actions de Dieu dans sa vie, pour rendre compte de la Pâque qu'il a connue dans son existence.
On peut également penser aux « autobiographies collectives et pseudo-??apostoliques » ou encore aux hymnes, ceux d'Ephrem par exemple, que présentent Marcel Metzger et Raymond Rogé, sans oublier le bestiaire patristique, qui n'est pas sans annoncer les Fables de La Fontaine et auquel nous introduit Mireille Mentré.
Compte tenu de la richesse de ce genre littéraire des Vitae, que François Heim présente magistralement en ouverture, il est possible de lui consacrer plusieurs numéros de Connaissance des Pères. Nous en avons déjà publié un il y a quelques années : le numéro 56 de notre Revue. Pour des raisons techniques, nous avons dû dédoubler ce numéro qui constitue les Actes des XV e Rencontres nationales de patristique de Carcassonne. Le second volet, plus hagiographique, axé sur le monde monastique, paraîtra dans le prochain numéro.
Nous invitons déjà nos lecteurs aux XVIe Rencontres nationales de patristique qui se dérouleront à Carcassonne du 26 au 29 juin, avec pour thème : Les invasions barbares, jugées par les Pères de l'Église (page 63).
Marie-??Anne Vannier