L'un des apports spéÂciÂfiques du chrisÂtiaÂnisme dans les preÂmiers siècles vient de la vision radiÂcaÂlement nouÂvelle de l'être humain qu'il préÂsente, celle d'un être humain qui, non seulement est en relation avec son créateur, mais encore qui est chrisÂtoÂphore, porteur du Christ à ses frères, témoin du Christ à l'image duquel il est configuré dans l'Esprit. On ne mesure pas touÂjours de nos jours le renÂverÂsement de persÂpecÂtives qui a, alors, été effectué et qui illustre un des points du numéro préÂcédent de CPE relatif au rapport entre foi et culture.
À l'encontre du duaÂlisme grec et gnosÂtique, les Pères, et en parÂtiÂculier les plus proches des oriÂgines : Ignace d'Antioche et Irénée de Lyon, se sont attachés, comme leurs préÂdéÂcesÂseurs juifs, à mettre en éviÂdence l'unité de l'être humain. Ainsi ont-??ils, à de rares excepÂtions près, refusé le mépris de la chair et fait resÂsortir l'identité perÂsonÂnelle, la relation de l'être humain à Dieu. Ils ont larÂgement comÂmenté Genèse 1, 26, ce verset qui évoque la création de l'être humain à l'image de Dieu. Si cerÂtains Pères ont cherché à locaÂliser cette image de Dieu, Irénée l'a située dans l'être humain tout entier, et Origène a employé cette belle image du puits d'eau vive, pour en rendre compte, comme le rapÂpelle Jaime Garcia. D'autres Pères ont égaÂlement souÂligné la dimension triÂniÂtaire de cette image qui est l'oeuvre de la Trinité tout entière. Tous ont mis l'accent sur le renouÂvelÂlement de cette image et ils l'ont parfois exprimé en termes de passage de l'image à la resÂsemÂblance de Dieu.
Par le fait même, ils ont fait un pas de plus pour exprimer la spéÂciÂficité même du chrisÂtiaÂnisme et dégager le sens de l'Incarnation. On comÂprend, dès lors, pourquoi Ignace d'Antioche, comme le montre Daniel Vigne, fait de l'Incarnation l'axe de son anthroÂpoÂlogie : il en va de l'enjeu de cette création nouÂvelle qui s'effectue dans le baptême et se réalise dans la RésurÂrection. Comme le disait Irénée de Lyon en un racÂcourci remarÂquable et bien connu : « Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu ». C'est là la Bonne NouÂvelle de l'Évangile, une espéÂrance qui dépasse toute sagesse humaine.
Les Pères, qui ont été les pionÂniers de la civiÂliÂsation chréÂtienne. ont su poser les bases de l'anthropologie, à partir de la double réalité de l'incarnation et de la RésurÂrection, comme le montrent resÂpecÂtiÂvement Bernard PouÂderon pour les ApoÂloÂgistes, Jacques Fantino pour Irénée de Lyon et FréÂdéric Chapot pour TerÂtullien et ce n'est cerÂtaiÂnement pas un hasard si le premier traité d'anthropologie chréÂtienne est le Traité de la RésurÂrection d'Athénagore d'Athènes, comme le rapÂpelle Bernard PouÂderon. C'est, en effet, une anthroÂpoÂlogie résolu-??ment optiÂmiste et qu'il est bon de redéÂcouvrir et de comÂpléter aujourd'hui que les Pères ont dégagée de l'Écriture, en réponse aux proÂblèmes de leur temps. C'est à celui des martyrs que nous consaÂcrons ce premier volet, nous le comÂpléÂterons par un second traitant de l'époque de la paix constanÂtiÂnienne. Deux numéros sur la question de l'anthropologie ne donÂneront d'ailleurs qu'un aperçu d'un domaine si riche.
Marie-??Anne Vannier
Disponibilité :