Retrouver l’envie de vivre ensemble
Le taux alarmant d’abstention aux élections régionales en France le mois dernier est loin d’être un épiphénomène. Déjà, aux Européennes en 2009, il atteignait 57 % en Europe et ne cesse d’augmenter dans quasiment tous les pays. Le fossé se creuse dangereusement entre citoyens et représentants politiques. Promesses non tenues, ambitions personnelles trop manifestes, manque de transparence et calculs politiciens accentuent les effets d’une crise économique de fond qui n’a fait qu’augmenter la fracture sociale. Alors que sont particulièrement fortes les attentes de réponses à des questions cruciales en matière d’économie, de santé, d’éthique…, les hommes et institutions politiques sont perçus comme incapables d’inverser le cours des choses. Le Médiateur de la République française, Jean- Paul Delevoye, est bien placé pour observer les évolutions sociales et les souffrances au quotidien de nos concitoyens. « Notre société est fracturée, mais jamais cette réalité n’a été aussi aiguë » commentait- il en présentant le rapport de ses activités en février dernier. « Le sentiment d’injustice se diffuse, mêlant angoisse et rancœur (…) et les espérances collectives ont cédé la place aux inquiétudes collectives et aux émotions médiatiques. » Le « chacun pour soi » a remplacé l’envie du « vivre ensemble ». L’impression de perdre la maîtrise de son destin et le fait que les inquiétudes légitimes ne sont pas entendues se traduisent en désaffection du politique. « La société française est fatiguée psychiquement » concluait-il, non sans suggérer une ligne de fond comme solution : « La reconstruction du « vivre ensemble » ne pourra se faire sans offrir à chacun une place au sein du collectif, indépendamment de sa valeur sur le marché du travail, une place où son utilité d’être social soit affirmée et sa dignité d’être humain respectée. » La politique – et celles et ceux qui l’incarnent dans leur comportement personnel et leur action collective – doit retrouver sa crédibilité au service du bien commun et refaire les preuves de son efficacité à changer notre quotidien. Mais avant tout, elle doit répondre à une quête de sens, s’interroger sur sa finalité et ses pratiques, trouver les moyens pour harmoniser les rapports entre le collectif et l’individu, et associer durablement les citoyens aux orientations et décisions pratiques. Il ne s’agit pas là de « vœux pieux » mais de conditions indispensables pour retrouver motivation et goût de vivre ensemble. Alain Boudre
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